
Football marocain : un paradoxe insoutenable. C’est un cri du cœur, mais aussi un cri de colère qu’a poussé Mohamed Harouane, secrétaire générale de l’Union marocaine des footballeurs professionnels (UMFP), organe qui défend les intérêts et les droits des joueurs, concernant les manquements des clubs envers les joueurs. Il dénonce en effet le fléau qui ronge le football marocain de l’intérieur (Homme et Femme) : les litiges à gogo.
Certes, les résultats obtenus par les sélections nationales (hommes et femmes) sont salués à travers le monde. Cependant, le quotidien des clubs locaux révèle une crise profonde. Entre autres, dettes colossales, contrats non honorés, litiges à répétition, le football marocain vit une dualité criante : grandeur internationale, misère locale.
Mohamed Harouane, secrétaire général de l’Union marocaine des footballeurs professionnels (UMFP), tire donc la sonnette d’alarme. Il parle « d’un système à bout de souffle, rongé par les abus. »
Litiges en série : un mal structurel
Football marocain : un paradoxe insoutenable. Chaque saison, la Chambre nationale de résolution des litiges (CNRL) reçoit en moyenne entre 600 et 700 plaintes de joueurs et d’entraîneurs contre les clubs de Botola. D’une part, ces chiffres traduisent l’ampleur de la crise financière des clubs. Contrats rompus unilatéralement, salaires impayés, primes non versées, engagements bafoués…
Les clubs marocains multiplient les manquements sans craindre de réelles sanctions. De l’autre, cela révèle l’incapacité des organes gestionnaires du football à juguler ce fléau.
« Ce n’est pas une crise passagère. C’est une crise profonde qui sape le football national. Des clubs incapables d’honorer les contrats qu’ils ont signés », affirme notre interlocuteur.
Jugements non exécutés, droits de joueurs bafoués
Sous prétexte que les clubs n’ont pas les moyens, la majorité des jugements prononcés par la Chambre des Litiges de la FRMF restent lettres mortes. Mais en réalité, il y a un peu de laxisme.
L’UMFP dénonce une impunité choquante. Tout compte fait, lorsque un jugement émane de la FIFA ou le TAS, les clubs passent à la caisse pour régler le litige par crainte d’être frappés par une interdiction de recrutement. Cependant, ils ignorent les jugements de la Chambre des litiges parce que la FRMF et la Ligue sont clémentes.
« Quand la FIFA condamne un club, il paye immédiatement. Mais quand c’est la Chambre des Litiges, les décisions restent lettres mortes », s’insurge Harouane.
Par conséquent, l’autorité nationale perd toute crédibilité. Certains joueurs attendent depuis 5, 6 voire 7 ans le paiement de leurs dus, malgré des jugements en leur faveur.
« Le vrai problème, c’est la gestion », insiste Harouane. En effet, chaque saison, les mêmes erreurs se répètent.
Conséquences directes :
Des carrières brisées
Des familles dans la précarité
Un climat de défiance totale
Pourquoi les litiges explosent-ils ?
« Parce que les clubs signent des contrats… sans les honorer », répond Mohamed Haraoune.
Il précise que : « 99% des litiges sont d’ordre financier », déplore-t-il. À titre d’exemple, il assure que : « Des entraîneurs et joueurs ayant gagnés leurs litiges ne sont toujours pas payés. »
Ces clubs arrivent à éviter les sanctions de la FIFA ou du TAS en exécutant les jugements prononcés par les deux instances internationales, tandis que ils ignorent les décisions de la Chambre des Litiges, alors que le règlement est clair : tout club qui n’exécute pas les jugements est interdit de recrutement.
Endettement massif : les chiffres d’une crise
La crise financière des clubs marocains atteint un seuil critique. Effectivement, la dette cumulée des clubs de la Botola D1 et D2 dépasse les 289 millions de dirhams, selon les chiffres de la Ligue nationale de football professionnelle (LNFP) arrêtés au 31 juillet 2023. Or, la LNFP n’a plus communiqué d’autres chiffres depuis cette date.
Parmi les clubs les plus endettés :
Ittihad de Tanger : +44 MDH
Raja de Casablanca : +34 MDH
Mouloudia d’Oujda : +28 MDH
Maghreb de Fès et Moghreb de Tétouan : près de 27 MDH chacun
Gouvernance défaillante : la racine du problème
La racine du mal ? Une gouvernance défaillante. Comme le résume Harouane :
« On a modernisé les stades, mais pas les mentalités », tacle Mohamed Harouane. Et cela impacte aussi le comportement des supporters (Hooliganisme).
Dirigeants incompétents, gestion opaque, absence de stratégie… Le système tourne à vide. Ainsi, les conséquences s’enchaînent : plus de dettes, plus de litiges, moins de résultats.
De nombreux clubs marocains sont dirigés par des hommes élus sur des promesses creuses.
Il faut dire que des hommes sans réelle compétence managériale ni vision à long terme sont à la tête de nos clubs. L’absence de stratégie claire, la faiblesse des outils de gestion et l’opacité dans les prises de décisions ont fragilisé durablement le football professionnel marocain.
Les dysfonctionnements sont multiples :
Aucun budget prévisionnel structuré
Contrats signés puis bafoués sans conséquences
Présidents élus sans critères de compétence, mais sur la base de promesses creuses
Commissions de contrôle inefficaces, souvent laxistes
En conséquence, cette situation crée un cercle vicieux. Les clubs accumulent les erreurs de gestion, les dettes s’aggravent, le nombre de dossiers de litiges augmente, les résultats sportifs des clubs chutent, et les supporters se détournent.
Une solution durable : le retour au parrainage et investisseur dans les SA des clubs
Face à l’impasse, l’UMFP plaide pour des modèles éprouvés : le parrainage et l’investissement direct dans les clubs par les grandes entreprises. Ce système, florissant dans les années 1990-2000 au Maroc et à l’étranger, permettait aux clubs d’avoir un appui financier fiable, stable et structurant, ainsi que des dirigeants compétents souvent issus du monde des affaires.
« Avec le soutien de Fouzi Lekjaa, cette formule pourrait voir le jour. Et ce serait une vraie bouffée d’oxygène », conformément à la stratégie du Président de la FRMF visant le développement du football national inspirée des Orientations Royales en matière de développement sportives », affirme le Secrétaire Général de l’UMFP.
Sortir de la spirale de l’endettement
À cette époque, des géants comme ONA, la CDG, l’OCP, ODEP ou la BP… sponsorisaient directement des clubs. Cela permettait :
Des budgets équilibrés et prévisibles
Des salaires versés à temps
Le respect des engagements contractuels
Ce système avait ses limites, néanmoins, il assurait une certaine stabilité économique. Aujourd’hui, un retour à ce type de modèle, révisé et contrôlé, pourrait constituer une solution concrète pour sortir les clubs de la spirale d’endettement.
« Il est temps de revoir notre modèle économique. Les clubs ne peuvent plus survivre seuls, sans soutien structuré », souligne Harouane.
Football marocain : un paradoxe insoutenable
Le Maroc rêve en grand. Il veut être une puissance footballistique planétaire. Mais la quasi-totalité de ses clubs sont à genoux. Tant que les clubs ne seront pas bien gérés, tant que les joueurs ne seront pas respectés, le rêve international reposera sur du sable. Il est temps d’agir.
Écrit par : Abderrahman Ichi
